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Thrashocore

8 / 10

« Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années ». C'est en empruntant une citation célèbre de Corneille que je me permets d'introduire cette nouvelle chronique. Une citation qui semble très bien convenir à Lord Shades, jeune formation originaire du centre de la France. Car si le groupe n'affiche que peu d'années d'existence sous la forme du line-up complet (il s'agit à la base d'un projet solo d'Alex, le chanteur-bassiste), il n'a pas fallu longtemps aux 4 protagonistes pour accoucher d'un premier album prometteur par de nombreux points.



Ainsi, avant même d'insérer le CD dans le lecteur, on peut déjà remarquer deux qualités chez Lord Shades. La première, c'est le soin apporté au visuel : qu'il s'agisse du site web, du myspace, de la plaquette promo ou du livret de l'album, tous ces supports respectent une sorte de charte graphique où l'univers du groupe (mélange d'influences médiévales et d'heroic fantasy) est parfaitement mis en scène, permettant ainsi à l'auditeur de s'en imprégner pleinement. La deuxième qualité, c'est le courage. Car il en faut pour se lancer, dès le premier album, et sans l'appui d'un label, dans un concept aussi ambitieux que celui que le quartette nous propose au travers des 8 pistes qui composent « The Downfall of Fïre-Enmek ». Assez proche dans l'esprit de l'univers de Tolkien, le concept décrit la quête du héros – Lord Shades – pour que son esprit, séparé de son corps alors qu'il fut rejeté aux portes de la terre bénite de Namwell, puisse retrouver son intégrité. Dans son périple, il n'aura de cesse de lutter contre le seigneur du Meldral-Nok (la terre maudite où le corps de Lord Shades est pour ainsi dire retenu prisonnier) dans sa tentative de soumission de la terre des hommes, le Fïre-Enmek.



Un concept très recherché mais pas forcément évident à retranscrire. Heureusement, Lord Shades a su se donner les moyens de son ambition. D'une part, le groupe s'est enfermé en studio pendant plus d'un an pour donner naissance à ce disque mais le résultat est là : le rendu sonore est plutôt honnête pour de l'autoproduit (même si l'on déplorera un certain manque de puissance, surtout au niveau des grattes, dû à une trop grande compression du son à mon goût). D'autre part, outre les quatre protagonistes du groupe, ce ne sont pas moins de neuf musiciens de session qui sont venus prêter main forte à la gestation de cet album. On comprend alors plus facilement pourquoi le processus d'enregistrement a pris autant de temps : enregistrer, arranger et mixer les nombreuses pistes de chant/choeurs et d'instruments divers employés sur ce disque (flûte, didjeridoo, accordéon, percussions, guitare acoustique) avec les multiples samples et les structures Metal classiques n'a pas du être un mince affaire.



Quoiqu'il en soit, une fois le CD inséré dans la platine et alors que retentissent les premières mesures du « Prelude » (dans lequel se mêlent narration et orchestrations, un peu à la manière de Rhapsody Of Fire), on comprend tout de suite que les quatre gaillards maîtrisent d'un bout à l'autre leur sujet. D'ailleurs, cantonner Lord Shades à la simple étiquette de groupe de Black/Death atmosphérique pourrait paraître presque trop réducteur. Certes, ces deux styles semblent englober le plus gros des influences du quartette. On pense très souvent à Cradle Of Filth (vieille période) pour l'aptitude qu'a le groupe à parfaitement mélanger influences Heavy, Gothic et Black-Metal mélodique (Despair, hope & wrath) mais aussi à Emperor pour les parties black plus symphoniques (le fin de From death to the unknown). Le groupe intègre aussi quelques plans plus thrashisants comme sur l'intro de Embers Of Hate, certains samples ou nappes de clavier évoquant quant à eux des atmosphères qu'on retrouve chez Nile.



Néanmoins, malgré cette multitude d'influences, Lord Shades ne se perd pas en chemin et, en dépit de la relative longueur de certaines compos (ce qui pourrait être un frein pour certains auditeurs peu aventureux), le groupe parvient à nous maintenir en haleine grâce à de nombreux rebondissements et autres variations d'ambiances. Et sans pour autant que les morceaux ne perdent en cohérence.



En résumé, même si le concept autour duquel s'articule « The Downfall of Fïre-Enmek » pouvait sembler ambitieux sur le papier, Lord Shares s'en tire avec plus que les honneurs en produisant un album très pro (tant du point de vue du visuel que de la cohérence des morceaux) de Metal extrême atmosphérique et épique qui ravivera les amateurs de compos riches, sombres et fouillées.

Evil_Nick