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Presse



Metal Ship

7.4 / 10
Telle une ombre damnée pour l'éternité, Lord Shades erre sur la terre des hommes. Il a certes vaincu son belligérant Meldrok mais Fïre-Enmek n'est plus que ruine et désolation. Le monde ne se satisfera plus que d'une poignée de survivants pour reconstruire l'humanité, pour reconstruire tout une nation. Ainsi s'achevait « The Downfall of Fïre-Enmek », précédent recueil musical du groupe français Lord Shades. Proposant ainsi un concept ambitieux au profit d'un black metal atmosphérique (aux influences death) raffiné et classieux, l'imagerie qu'esquisse la formation berrichonne se veut extrêmement travaillée (quel magnifique digipack ). Il n'y a qu'à fermer les yeux, on sentirait presque l'odeur des cadavres en décomposition et la sueur des batailles épiques. D'ailleurs, je vous invite chaudement à aller jeter un œil du côté du site officiel, afin de vous imprégner de ce thème médiéval fantasque et fantastique.

La musique de Lord Shades se drape donc d'une pléthore d'arrangements orchestraux qui n'auraient pas dépareillé sur un album de Dimmu Borgir. Lorsque les quelques notes de piano pleuvent au début de « The Leave Taking » on se dit que les français se sont donnés les moyens. Beaucoup mieux produit que ne l'était "The Downfall of Fïre-Enmek " ce titre balaye nos doutes vis à vis du bel écrin éthéré qui nous est offert ici. Agressif et mélodique, le morceau est un condensé du savoir faire de nos quatre seigneurs de guerre. La voix d'Alex, sans tomber dans l'exagération et le cliché, oscille entre cris écorchés blasphématoires et hurlements death d'outre tombe ; en prime, il se paye le luxe de jouer les narrateurs à certains moments, un peu à la manière des anglais de Bal-Sagoth (le début ébouriffant d' « Ancient Fears »).

Et pourtant, telle la mission presque impossible de notre héros en quête de son entité (identité ? ), l'écoute de cet album pourra être jalonnée de pièges malsains et cruels qu'il faudra bien sur négocier de manière subtile. Le démon de la longueur peut faire son apparition à n'importe quel moment pour nous déchiqueter de ces dents carnassières. Manifestement, il faut reconnaître le caractère superflu de certains passages qui auraient beaucoup plus gagné en impact s'ils avaient été plus concis. Le très ambiancé et théâtral « The Dark Fleet », sur lequel intervient d'ailleurs un chœur cristallin proche d'une certaine Sarah Jezebel Deva, aurait très bien pu être écourté de quelques minutes. On sent cette envie de démontrer malgré tout les aptitudes de chacun à dépeindre un monde, à le faire vivre à travers une musique enrichie d'effets divers et variés. Car il ne faut pas se leurrer malgré tout. Les berrichons ne font pas l'étalage d'une technicité hors du commun, les riffs vous seront certainement familiers, mais ils affichent une certaine identité qui fait défaut à bon nombres de groupes actuels.

Ainsi, l'écoute du disque est dynamisée par l'intervention de divers instruments qui emporteront l'adhésion de tous. Une douce ritournelle au violon qui se greffe sur un riff véloce dans un coin sonore, une turlurette au bouzouki accompagnant une batterie vengeresse dans un autre, le sombre avenir de notre protagoniste défile et se laisse apprivoiser petit à petit. La chaleur écrasante de Meldral-Nok se fait pesante, les nombreux breaks atmosphériques forment ainsi un doux aquilon pouvant représenter l'espoir. Espoir qui sera tout de suite arraché et dispatché dans cette terrible nébuleuse où tourmente et ténèbres ne forment qu'une seule et même entité.

Eh bien ma foi, voilà un album qui devrait contenter les fans de black atmosphérique amateurs d'univers proches de ceux de Tolkien. Un cran au dessus du précédent effort, « The Rise of Meldral-Nok » peut se targuer de figurer au panthéon des bonnes sorties françaises. En gommant les faiblesses sus-citées, il est de bon aloi de prédire que le prochain méfait sera une tuerie. A bon entendeur, salut ! Satanistar