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Les Eternels

15 / 20
Le metal extrême symphonique a le vent en poupe ces derniers temps ! En 2011, nous avons eu droit à The Great Mass des Grecs de Septic Flesh, puis Agony des Italiens de Fleshgod Apocalypse et voici à présent (cocorico!) The Rise of Meldral-Nok, dernière offrande des Frenchies de Lord Shades. Si la jeune formation berrichone (!) ne joue pas dans la même cour que les deux pointures précédentes, force est de constater qu'elle n'a pas du tout à rougir d'être comparée à ces derniers.

Le groupe existe depuis 2001 mais ce n'est qu'à partir de 2008 et la sortie de son premier album The Downfall of Fire-Enmek que les Français arrivent à se faire connaître d'un plus large public. Ce premier essai pose en outre les bases stylistiques du combo, à savoir un death/black atmosphérique avec un thème médiéval fantastique omniprésent. Son successeur, The Rise of Meldral-Nok, s'inscrit ainsi dans sa droite lignée avec un accent symphonique plus marqué. Cependant un fossé sonore sépare les deux albums : si le premier semblait extrêmement amateur en la matière, le groupe a voulu réparer ce manque pour le nouveau venu en ayant recours à un mixage et un mastering professionnels. Avec tous les atouts de son côté, Lord Shades est désormais en mesure d'écrire son histoire.

Et cette histoire, elle passe avant tout par son concept. Les plus curieux pourront s'amuser à s'immerger dans le booklet extrêmement soigné (comme le reste de l'artwork, œuvre du graphiste Stanis-W-Decker), les autres se contenteront d'être bercés dans cette ambiance grandiloquente de bout en bout, aux allures bien souvent de B.O. de film d'heroic-fantasy. Les parties orchestrales jouent un rôle évidemment décisif et elles sont à la hauteur du concept. Elles sont en effet très judicieusement dosées et toujours pertinentes, à l'instar des chœurs et des instruments traditionnels (percussions, flutes...). La grande qualité de Lord Shades réside justement dans cet équilibre, qui maintient en permanence une harmonie totale entre metal extrême et parties symphoniques.

Les influences sont variées même si Septic Flesh vient souvent à l'esprit par la proximité stylistique ; sur l'intro macabre de "Ancient Fears", la référence est même évidente. On peut aussi bien souvent penser aux Niçois d'Artefact pour le thème médiéval ou aux Nîmois de Kalisia pour l'approche conceptuelle très poussée. De plus, cette inspiration fantastique très littéraire n'est pas sans rappeler Cradle Of Filth, avec qui Lord Shades partage un goût pour les morceaux aux longs développements et relativement complexes. Il faudra en effet un certain temps pour digérer les quatre pavés de 10 minutes, qui s'avèrent en outre être les morceaux les plus intéressants de la galette et tout particulièrement l'opener "The Leave Taking". Ce morceau est peut-être le résumé de tout le savoir-faire de Lord Shades.

Après une longue intro qui fait tranquillement monter l'adrénaline, c'est parti pour une succession de plans qui s'enchaînent à merveille. On notera des accalmies très réussies avec des mélodies de piano toujours excellentes, des chœurs amples et saisissants, des voix soprano du plus bel effet ou encore des soli concis mais toujours appropriés. Les morceaux les plus courts sont aussi les plus directs et permettent de redonner un coup de jus là où il faut. D'autre part, les bruitages et narrations de transition sont réduits à leur plus simple effet, évitant ainsi que le concept n'empiète trop sur la musique. Le seul défaut qui pourrait être reproché est de vouloir parfois en faire trop ("The Pledge") et l'ensemble aurait peut-être gagné à être plus court.

Peut-être trop riche et trop dense, la musique des Berrichons n'en reste pas moins très mature. Epique, apocalyptique par moments, le soin apporté tant aux arrangements et aux instruments qu'au chant est un travail d'orfèvre. Après un album aussi intense et passionnant, gageons que Lord Shades soit rapidement mis sur le devant de la scène. Ce groupe recèle d'un talent rare, souhaitons leur un très bel avenir ! Silverbard