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Language : English

Presse



Soil Chronicles

10 / 10
« Irréprochable » est le terme exact et adéquat pour qualifier The Uprising of Namwell or A Tale of Retribution du groupe creusois Lord Shades.

Faisant suite à The Downfall of Fire-Enmek (2008) et The Rise of Meldral-Nok (2011), ce troisième opus est imparable, pour peu qu’on adhère au Black/Death Metal. C’est tout bonnement la continuité de l’histoire autour du personnage de Lord Shades, se trouvant face à face avec le Dark Lord, envoyé à la bataille par ce dernier avec pour rétribution la restitution de sa bien-aimée, possédée et prise en otage… On suit donc l’épopée du personnage dans ce concept album qui va piocher dans de nombreux genres musicaux folkloriques et/ou savants. Dès l’ouverture instrumentale, on voit le schéma narratif se dessiner par des samples et la guitare classique prendre le rôle d’un conteur de par l’ambiance qu’elle instaure. Ça peut paraitre bateau comme ouverture, et pourtant cette première piste annonce tout l’album et l’état d’esprit dans lequel on va se trouver, et ce face à quoi on va se retrouver confronté : ni plus ni moins que la bande son BM d’un film épique dans un univers de dark fantasy.

La liste des guests est assez impressionnante et totalement cohérente avec les multiples univers musicaux dans lequel le groupe nous emmène, sans nous laisser respirer entre les pistes : l’album est un tout et chaque piste contient son esprit propre. Évidemment, par habitude, j’ai préféré la très longue (presque 16 minutes) et dernière piste « A new Dawn », parce que symphonique et avec la présence d’un chœur d’une qualité également irréprochable, mais aucune piste ne surpasse vraiment l’autre : tout est superbe de A à Z, tant dans cette unité que ce qui la forge, la qualité du son et de l’enregistrement. Parce qu’autant enregistrer des guitares et leur donner un son décent, beaucoup d’ingés sons savent le faire ; émuler des pistes orchestrales, à l’heure actuelle avec des banques de sons Hallion ou Miroslav, c’est limite facile pour peu qu’on ait l’habitude des orchestrations et des timbres orchestraux… Mais combiner le tout avec des instruments traditionnels et conserver la qualité de leur grain – allez enregistrer proprement un baglama (une sorte de saz grec) sans qu’il se mette à sonner comme une guitare classique un peu désaccordée, bonne chance –, c’est un défi ! Et le groupe relève ce défi haut la main !

Quant à la composition, elle est excellemment pensée, parce que si la brutalité est savamment dosée, elle est en permanence aérée par des places acoustiques, ou chorales, des chanteur.se.s solistes ou des instruments qui deviennent narrateur, quand ce n’est pas un narrateur/sorcier/griot qui entre en jeu… Tension et détente y trouvent un juste équilibre. Et les textes sont écrits tantôt en latin (et proprement qui plus est), tantôt en arabe, tantôt dans un anglais soutenu voire victorien, avec une petite partie en français (tant qu’à faire) donc une qualité d’écriture textuelle également poussée, approfondie et irréprochable.

C’est un projet ambitieux et on-ne-peut plus réussi que de proposer cet album hors normes, loin des tubes et du format court recherché pour une diffusion et une accroche massive. Je serai cependant curieux de voir et entendre cette gageure mise en scène. Quoiqu’il en soit, cet album est un must-have pour tout amateur de fantasy, de BM, de contes musicaux, voire et surtout la combinaison des trois, et probablement à titre personnel mon « album de l’année » dans ce domaine. Bravo à vous !

A écouter et à lire, voire les deux en même temps ABSOLUMENT. Willhelm von Graffenberg